Par Amandine Para – Chirurgien-dentiste sur Paris et Intervenante cours “Laser & Omnipratique”
Les maladies péri-implantaires se manifestent par des mucosites et des péri-implantites. Jusqu’à 100 millions d’implants dentaires peuvent être infectés dans le monde entier.
Au stade de « péri-implantite » il s’agit d’une atteinte inflammatoire des tissus mous entourant un implant. Le diagnostic clinique comprend un saignement au sondage, avec une suppuration quasi systématique, et une profondeur de poche péri-implantaire supérieure ou égale à 5 mm. Radiographiquement, un aspect radioclair de déminéralisation osseuse marginale supérieure ou égale à 2 mm entoure une partie plus ou moins étendue du corps de l’implant (fig 1 et 2).
Figure 1: suppuration au sondage d’une molaire atteinte de péri-implantite
Figure 2: aspect radiographique de la perte osseuse confirmant la péri-implantite
Une récente méta-analyse a permis d’estimer la prévalence moyenne de la mucosite péri-implantaire à 43 % et de la péri-implantite à 22 %, pondérée par le délai de mise en fonction (Poli et al 2017). L’incidence de la péri-implantite tend à augmenter avec le délai de mise en fonction : plus les implants sont en bouche depuis longtemps, plus le risque de péri-implantite augmente. Elle concerne 20 % des patients sur une période de cinq à dix ans après la pose (Derks et Tomasi, 2015).
Le profil microbiologique de la péri-implantite se compose de microorganismes agressifs et résistants, plus diversifié et plus complexe que celui de la parodontite. Il semble que les infections péri-implantaires ne soient pas une conséquence directe de la présence d’espèces parodontopathogènes en soi (Rakic et al 2016). Les microbiotes parodontal et péri-implantaire représentent en effet des écosystèmes micro- biologiquement distincts. La seule proximité géographique n’est pas un déterminant suffisant pour la colonisation de niches distinctes entre les dents et les implants (Lafaurie et al., 2017).
Le risque de survenue de pathologies péri-implantaires est majoré chez les patients présentant un ou plusieurs facteurs de risque (Ting et al 2018) : mauvaise hygiène, tabac, antécédent de maladie parodontale, ciment résiduel dans le sillon. Aucune relation significative n’a pu être établie entre le diabète et l’échec implantaire.
À l’heure actuelle, on recense une dizaine de classifications des péri-implantites.
Schwarz et al. ont introduit une classification très utilisée décrivant l’anatomie des défauts osseux péri-implantaires. Cette classification ne fournit pas de renseignements sur le potentiel de guérison d’un défaut serait utile pour le praticien.
En 2019, une nouvelle classification dénommée APARA (Assessment of Peri-implantitis Apparearance and Repairing Approach) est proposée dans l’ouvrage « Péri-implantites : approche thérapeutique » pour guider le praticien dans la démarche thérapeutique à mettre en œuvre.
➜ la situation osseuse « PA » (Peri-implantitis Apparearance) comprend 5 classes PA0 à PA4 (fig. 3 à 6). établies selon les critères suivants: le nombre d’implants adjacents atteints (un seul implant, deux implants, ou au moins trois implants atteints), l’importance de la perte osseuse (selon le pourcentage de la hauteur d’implant qui a perdu de l’os : < 60 % ou > 60 %), le nombre de parois osseuses restantes autour du défaut (aucune, ou au moins une paroi).
Figure 3: exemple de péri-implantite PA1b ( Perte osseuse < 60 % de la hauteur implantaire, défaut de 1 à 4 parois avec cratère < 3 mm)
Figure 4: exemple de périimplantite PA2c (perte osseuse moins de 60 % de la hauteur implantaire, défaut de 1 à 4 parois avec cratère > 3 mm sur les deux implants)
Figure 5 : exemple de périimplantite PA3a (perte osseuse < 50 % de la hauteur des implants adjacents séparés de moins de 3 mm, avec ou sans cratère)
Figure 6 : exemple de péri-implantite PA 4b (perte osseuse < 50 % de la hauteur implantaire, avec ou sans cratère, défaut de 1 à 4 parois)
➜ la situation gingivale « GA » (Gingival Apprearance) : GA1 ou GA2, selon la présence ou l’absence de muqueuse kératinisée stable
➜ l’approche thérapeutique « RA » (Repairing Approach) : RA0 à RA4
➜ le degré de difficulté du traitement (degrés 1 à 5).
Un arbre décisionnel synthétique du traitement (RA) recommandé selon chaque situation osseuse (PA) et gingivale (GA) est proposée dans l’ouvrage.
On sait désormais que la thérapie non chirurgicale n’est pas suffisante pour traiter les péri-implantites : l’approche de débridement non chirurgical est efficace dans le traitement de la mucosite implantaire, mais pas prévisible dans le traitement de la péri-implantite (Suárez-López Del Amo, Yu & Wang, 2016).
En cas de mucosites, les procédures non chirurgicales comprennent :
Concernant les péri-implantites, les thérapies chirurgicales combinées à la décontamination mécanique et chimique contribuent à la santé des tissus péri-implantaires.
Figure 7: aéro polissage de la surface implantaire à l’aide d’une tête fine (Prophyflex Kavo), après élimination du tissu de granulation
Figure 8: Colorant bleu photosensible (chlorure de phénothiazine à 1 %) laissé sur le site durant 1 minute avant l’activation du laser 660nm Helbo
Figure 9: Fibre du laser Helbo 660nm en action, 1 minute par un implant sur 6 sites
Figure 10: Fibre du laser Er-YAG, (Syneron Light Touch) en action sur la surface implantaire, après élimination du tissu de granulation. Paramétrage 99 mJ, 50 Hz
Quelle que soit la technique utilisée (dont l’efficacité est aussi praticien-dépendante), la clé du succès réside dans le choix de régénérer l’os ou non par un biomatériau et d’aménager ou non le contexte muqueux par une greffe de tissu mou. La greffe de conjonctif enfouie associée à l’une des techniques de décontamination est le choix thérapeutique répondant avec succès à beaucoup de situations cliniques. (Para 2019).
A ce jour, il n’y a pas de consensus sur l’intervalle idéal de maintenance pour les soins adéquats des implants dentaires. L’intervalle raisonnable de maintenance pourrait être de 5 à 6 mois Par tous les moyens, la thérapie parodontale de soutien maintenance doit être personnalisée en fonction du profil de risque des patients. L’observance d’une maintenance péri-implantaire à 2 maintenances/an semble cruciale pour prévenir la péri-implantite chez les patients en bonne santé. Monje 2017
Une visite de maintenance implantaire s’appuie sur dix points de contrôle stratégiques développés dans l’ouvrage « Péri-implantites : approche thérapeutique », Parresia, 2019.
1) contrôle de plaque
2) Sondage péri-implantaire
3) Saignement ou suppuration
4) progression d’une récession
5) Mobilité
6) Occlusion
7) Points de contact
8) Test à la percussion
9) Radiographies
10) Instrumentation : détartrage supra gingival et polissage des cols implantaires, thérapie laser photochimique ou photodynamique selon l’aspect inflammatoire ou infectieux des tissus (fig. 11 à 13).
Figure 11: Nettoyage ultrasonore de la surface implantaire à l’aide d’une pointe en téflon protégeant le lambeau actif des ultrasons
Figure 12: Aéro polissage à l’aide d’une tête à irrigation latérale (EMS Piezzo Master)
Figure 13: Vérification de l’espace disponible et de l’aptitude du patient à passer des brossettes
En conclusion, le traitement des péri-implantites progresse. On sait les traiter en 2020, à condition d’appliquer une démarche diagnostique méthodique, une approche thérapeutique adaptée et un suivi personnalisé. Un implant traité restera toujours un implant à risque.
En 2021, nous aurons un congrès entièrement dédié aux péri-implantites et à leur prévention! Le Congrès Oroface 2021.
Plusieurs experts traiteront de la péri-implantite sous toutes ses formes.
Que savons-nous en 2020 ? Comment diagnostiquer et prévenir la maladie péri-implantaire ? Il y a-t-il d’autres facteurs de risque à prendre en considération ? Quels sont les outils à notre disposition pour la traiter ? Comment maintenir les résultats obtenus ? La relation praticien-patient est elle affectée ?
Le 4eme congres Oroface qui se tiendra les 17 et 18 juin 2021 à Bandol abordera toutes nos préoccupations actuelles face à ce challenge clinique qui atteint désormais 1 million d’implants par an.